Publications sur les réseaux sociaux : salariés, tout n’est pas permis !
Notre précédent article sur les réseaux sociaux au travail est à découvrir ici.
En tant que salarié, l’usage des réseaux sociaux peut comporter des risques : que ce soit de manière involontaire ou volontaire, cela peut porter atteinte à l’image de l’employeur, de l’entreprise ou dénigrer un collègue.
La liberté d’expression protège les critiques sur la personnalité ou les compétences d’un collègue, ou sur la gestion dans l’entreprise, mais dans certaines limites.
Mais quelles sont ces limites ? L’employeur peut-il utiliser vos publications contre vous ?
La liberté d’expression du salarié en général
Chaque salarié jouit, tant dans le cadre privé et familiale qu’au travail, de libertés fondamentales, dont le droit à la liberté d’expression.
Ainsi, la jurisprudence considère les publications sur les réseaux sociaux comme relevant de la vie privée du salarié.
Cependant, le salarié doit respecter son obligation de discrétion en ne divulguant pas d’informations confidentielles relatives à l’entreprise.
Qu’en est-il des publications sur les réseaux sociaux ?
Prenons, comme exemple, les publications sur Facebook.
Un des points essentiels liés aux procédures concernant les publications sur les réseaux sociaux est le cadre de publication.
Selon la configuration du compte Facebook, l’employeur peut parfois accéder aux informations publiées par ses salariés.
Si l’accès au compte de la personne :
- est restreint, c’est-à-dire non accessible au public mais uniquement aux personnes acceptées ou si les publications sont limitées aux amis : les échanges sont considérés comme relevant du cadre privé et seront protégés au titre de la correspondance privée et de la vie privée.
- est « public » et si une personne publie sur les réseaux sociaux sans restriction d’accès des insultes ou tient des propos diffamatoires à l’encontre de son employeur ou d’un collègue, elle s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Des Conseils de Prud’hommes ont estimé que le fait d’injurier sa hiérarchie sur les réseaux sociaux justifiait un licenciement pour faute grave.
Concernant l’accès de l’employeur aux publications du salarié, on note depuis 2020 une évolution dans les décisions de justice. Ainsi, l’employeur peut utiliser, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, les publications privées, s’il les a récupérés de manière licite, et sans stratagème (par exemple, la remise sans contrainte par un autre salarié).
En revanche, si la récupération des publications est le fruit d’une « intrusion » de l’employeur sur le compte privé d’un de ses salariés, cela constitue une violation du droit à la vie privée. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, les éléments recueillis de cette manière peuvent ne pas être recevables.
NB : Le paramétrage ne fait pas tout. Prenons le cas de messages privés sur Facebook dénigrant et insultant l’entreprise et certains collègues, qu’une salariée, en quittant son poste de travail, laisse sciemment affichés sur son écran d’ordinateur ; ceux-ci perdent tout caractère privé et ce, indépendamment du paramétrage du compte (Cas jugé par la Cour d’appel de Toulouse en 2018).
Une fois le mode de publication et d’accès précisés, il faut également déterminer si les propos peuvent relever de l’abus.
Diffamation, injures, propos excessifs….
Comme précisé ci-dessus, les publications sur les réseaux sociaux relèvent notamment de la liberté d’expression. La limite à ne pas franchir est donc celle de l’abus. Celle-ci permet de donner une qualification aux propos tenus et de les sanctionner pénalement et/ou disciplinairement.
Les propos considérés comme abusifs sont les propos excessifs, portant atteinte à la réputation, à l’honneur ou à la considération de l’employeur ou d’un collègue de travail (diffamation, injures).
Si de tels propos sont publiés, alors l’abus de la liberté d’expression sera caractérisé.
Définitions
La diffamation est constituée par toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne auquel le fait est imputé.
On peut aussi parler de dénigrement, qui est le fait de calomnier, d’attaquer la réputation de quelqu’un de chercher à le rabaisser, à le discréditer. C’est aussi parler avec malveillance de quelque chose ou de quelqu’un (propos mensongers).
L’injure est une expression, une parole qui blesse de manière grave et consciente et ne fait pas référence à des faits précis.
Sanctions
Que les propos publiés soient diffamants ou injurieux, ils peuvent être qualifiés pénalement et être sanctionnés en tant que tel.
Néanmoins, sans être condamnée pénalement, la personne ayant tenu les propos incriminés peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire.
NB : pour être sanctionnable, la publication sur les réseaux sociaux doit contenir des éléments d’identification ou susceptibles de permettre l’identification de l’employeur ou de l’entreprise ou de la personne visée. Sans cela, il ne peut y avoir atteinte à l’image et donc préjudice.
Délai d’action
L’action pénale en diffamation ou injure se prescrit par trois mois à compter du jour où les faits se sont produits.
L’employeur dispose, quant à lui, d’un délai de deux mois pour sanctionner, à compter de la connaissance de la faute. Les sanctions peuvent aller jusqu’au licenciement.
En cas de procédure judiciaire…
Le procédé d’obtention des preuves et leur qualification pourront faire l’objet de débats.
L’employeur dénigré sur les réseaux sociaux devra établir :
- que le mode de preuve est licite,
- que les propos émanent bien du compte Facebook du salarié (usage de pseudonyme, photo du titulaire du compte, …),
- qu’ils peuvent être consultés par un public large ou qu’il les a obtenus loyalement,
et devra démontrer l’abus par le salarié de sa liberté d’expression.
Les juges analyseront certainement le contexte de la publication (quel type de support : groupe, page, mur, etc…).
Prenez contact avec l’AIAS pour de plus amples informations sur vos droits et vos obligations en tant que professionnel du soin et du social.